Article paru dans Le Monde ici, le 24 janvier 2021

Au centre du Mali, des villages rasés par les violences et la famine

Par Matteo Maillard (Bamako, correspondance)Reportage photo : Andy Spyra

Reportage photo : Andy Spyra

Mamoudou Diagayaté se souvient. C’était un matin de septembre, il y a un an. Après la prière de l’aube, comme tous les hommes de son village de Bollé, dans le centre du Mali, il s’apprêtait à partir au champ lorsque les balles ont sifflé. Il a couru entre les maisons de terre crue. « Les gens tombaient devant moi, mais je ne m’arrêtais pas. Je voulais sauver ma famille », raconte-t-il. Déjà les torches embrasent les toits de chaume. Il parvient à fuir avec sa mère, sa femme et ses enfants. Derrière lui, son père et ses oncles meurent sous les tirs, certains égorgés. Quatre membres de sa famille sont tués ce jour-là.

L’attaque était préparée. Les assaillants sont arrivés par trois côtés. « Ils ont attendu que nous priions Dieu pour s’approcher et nous abattre, explique Mamoudou. Ils ont tout brûlé pour qu’on ne trouve plus rien, pour effacer jusqu’à notre existence… » Le drame de Bollé, qui a fait une dizaine de morts à l’été 2019, n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Il n’est pas non plus le plus meurtrier : 157 morts à Ogossagou en mars 2019, 37 à Binedama en juin 2020 et plus de 40 près de Bankass en juillet. Depuis 2016, dans le centre du Mali, les tensions entre les communautés peule et dogon ont débordé en violences de plus en plus brutales, n’épargnant ni les femmes ni les enfants.

Cette guerre fratricide se déroule loin des phares de l’opération française « Barkhane », qui traque les djihadistes dans le nord et l’est du pays. C’est pourtant dans cette zone au sud-est de la région de Mopti, dans la partie exondée du fleuve Niger, où vivent 1,6 million de personnes, que se concentre la majorité des violences subies par les civils. Sur ces 54 000 km2 qui représentent moins de 5 % du territoire national sont enregistrées 60 % des morts du conflit malien.”

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